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Nous mettrons en mouvement les mots en liberté qui rompent les limites de la littérature en marchant vers la peinture, la musique, l'art des bruits et en jetant un merveilleux pont entre le mot et l'objet réel. Nos films seront (…) des poèmes, des discours et des poésies cinématographiés, (…) des recherches musicales cinématographiées (dissonances, accords, symphonies de gestes, de faits, de couleurs, de lignes, etc.).

Le Futurisme italien nous intéresse particulièrement puisque non content de prescrire un nouvel art sonore, il est l'un des premiers à préconiser - sans toutefois que la technique soit encore capable de matérialiser réellement leurs théories et concepts - un cinéma anticipateur. Le 11 septembre 1916, un manifeste du cinéma est signé par six membres du mouvement futuriste, Filippo Tommaso Marinetti (fondateur et principal animateur du mouvement futuriste), les deux frères Corradini (Bruno Corra et Arnaldo Ginna), le peintre Giacomo Balla et les poètes-dramaturges Remo Chiti et Emilio Settmelli. A ce propos, un mystère réside quant au seul long métrage du mouvement futuriste italien; réalisé par Arnaldo Ginna et mettant en scène la plupart des membres du groupe, il semble avoir été tourné dans la seconde moitié de 1916, mais il n'en reste qu'un descriptif. La cinematographia futurista, comme le relève Dominique Noguez dans son Eloge du cinéma expérimental, se présente donc soit comme un bilan, soit comme un programme, selon l'état hypothétique d'avancement du film à l'époque de la parution du manifeste dans le neuvième numéro d'Italia futurista, journal du mouvement. Ce manifeste est souvent confondu avec celui du manifeste du futurisme et de l'art des bruits, de trois ans antérieur. Pour nous ces manifestes - même s'ils n'ont pas eu de conséquences directes, car résultant probablement d'une pensée considérée utopique et sans réelle réalisation pratique - sont, en ce qui concerne la prise de conscience de l'importance du son et le fait de vouloir se départir de certaines habitudes, les signes annonciateurs d'un cinéma expérimental plus attentif au son. Un extrait de ce manifeste s'y rapporte d'ailleurs particulièrement: Nous mettrons en mouvement les mots en liberté qui rompent les limites de la littérature en marchant vers la peinture, la musique, l'art des bruits et en jetant un merveilleux pont entre le mot et l'objet réel. Nos films seront (…) des poèmes, des discours et des poésies cinématographiés, (…) des recherches musicales cinématographiées (dissonances, accords, symphonies de gestes, de faits, de couleurs, de lignes, etc.). Comme le souligne Dominique Noguez dans son "Eloge du cinéma expérimental", cette présence du son (parole, musique et bruit) est toutefois très ambiguë: On notera aussi l'étrange et paradoxale présence de la musique, évoquée non seulement comme modèle structurel ("dissonances, accords, symphonies de geste, de faits, de couleurs, de lignes") mais aussi bizarrement, comme "art des bruits", puis "bruitisme". Si l'on peut imaginer que cet "art des bruits" doive, dans l'esprit des futuristes, accompagner le film de l'extérieur, on a peine à concevoir comment ils peuvent, en 1916, envisager une cinématographie qui soit (de l'"intérieur") peinture, etc. et bruitisme. Il n'est peut-être pas abusif d'interpréter l'espèce de malaise qu'on a évoqué et cette proposition étrange comme la première manifestation d'un véritable désir de cinéma parlant.


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