"J'ai vu un bon film hier soir ". Sait-on bien ce que l'on dit, en affirmant cela ? Les mots employés trahissent notre manque de discernement, qui fait du son le grand oublié de cette histoire. En effet celui-ci est toujours bien plus impliqué dans notre perception du film qu'on ne le croit, et bien souvent responsable des émotions que l'on éprouve. Ce livre s'intéresse à cette partie immergée de l'iceberg audiovisuel, à la suite de Gilles Deleuze et surtout de Michel Chion. S'il s'appuie pour l'essentiel sur plus d'un siècle de cinéma, il ne s'interdit pas quelques incursions vers les séries télévisées actuelles ainsi que dans le domaine du multimédia, et plus particulièrement celui des jeux. L'approche proposée a comme principe de toujours lier la lecture des œuvres aux conditions de leur réception, techniques notamment. La qualité du son a beaucoup progressé depuis le milieu des années 1980, et cette amélioration, patente dans les salles des multiplexes, tend à se retrouver à tous les niveaux où il pénètre notre environnement. En témoignent la banalisation de la haute-fidélité et son glissement vers le home-cinéma, accompagnant l'explosion du marché des écrans plats. Pour que jusque dans nos salons rien ne nous échappe désormais du grain de la voix de Scarlett Johansson, de la vibration cristalline de la lame d'un katana au sortir du fourreau, de l'impact du départ des torpilles lors d'un combat naval...
Présentation de l'éditeur Au départ, cet ouvrage était prévu n’être qu’une remise à jour de deux volumes parus chez le même éditeur, Le Son au cinéma, 1985, et La Toile trouée, 1988. Finalement, nous avons fait un travail beaucoup plus poussé et avons abouti au présent ouvrage, nouveau aux deux tiers, même s’il reprend – non sans les avoir réécrits et révisés – un certain nombre de pages des deux titres précédents, qui ne seront pas réédités. Le titre : Un art sonore : le cinéma, dit bien qu’il s’agit d’un essai sur le cinéma dans son ensemble, en partant de la question du son, question qui, comme on le verra au premier chapitre, s’est posée dès les débuts de l’art cinématographique. La première partie esquisse un parcours historique, où nous avons voulu en particulier donner la place qu’elles méritent aux trente dernières années, paradoxalement les plus négligées dans la recherche. Un chapitre central, à part de l’ensemble, vise à démontrer, en s’appuyant sur une séquence du film d’Hitchcock, Les Oiseaux, 1963, que le cinéma parlant ne s’est pas substitué au muet, mais que celui-ci continue à vivre sous lui et par lui. Une deuxième partie, plus développée, « Esthétique et poétique », aborde successivement un grand nombre de questions (l’espace, le temps, le réel, la parole, le masque, le taire, etc) visant à tracer un portrait du cinéma en tant que sonore, c’est-à-dire du cinéma tout court. Ce « portrait de groupe » fait de temps en temps un arrêt sur un auteur ou un film isolés, dans des chapitres que nous avons voulus d’une autre écriture, plus libre, plus ouverte. Biographie de l'auteur Michel Chion, né en 1947, primé en 1995 pour La Musique au cinéma, a publié 25 ouvrages sur le son, le cinéma, la musique, traduit en une dizaine de langues dans le monde. Il a écrit sur plusieurs auteurs situés au carrefour du cinéma d'auteur et du cinéma populaire, comme Lynch, Chaplin, Kubrick ou Tati. Enseignant à l'Esec et à Paris III, chroniqueur dans plusieurs revues, il est également compositeur de musique concrète et réalisateur de cinéma et de vidéo