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H5, Alex Gopher EP, 1995 Solid  Vinyle  © DR
H5, Super Discount, 1996, label Solid, vinyle © DR

AGENDA

Exposition

French Touch. Graphisme / vidéo / électro

du 10 Octobre 2012
au 31 Mars 2013
Du début des années 1990 au début des années 2000, jamais en France, graphisme et musique n’ont été aussi proches. A travers plusieurs centaines de flyers, de pochettes de disque, de vidéos, Les Arts Décoratifs, retracent dans une scénographie du collectif 1024, cette histoire commune dont la portée internationale a permis à ces graphistes : les M/M, H5, La Shampouineuse, Geneviève Gauckler, Alex Gourtès, Agnès Dahan de s’imposer et de s’ouvrir à d’autres champs d’application.

En 1994, Eric Morand, fondateur, avec le DJ Laurent Garnier, du label de musique techno, F Communications, déclare : « We give a french touch to house music ». Ce terme « French Touch » qualifie un mouvement de musique électronique français représentés par des groupes comme Air, Daft Punk, Cassius... Ce mouvement s’est illustré sur la scène internationale et s’est étendu à tous les créateurs visuels qui accompagnent cette musique. Ainsi, du début des années 1990 au début des années 2000, jamais en France, graphisme et musique n’ont été aussi proches. A travers plusieurs centaines de flyers, de pochettes de disque, de vidéos, Les Arts Décoratifs, retracent dans une scénographie du collectif 1024, cette histoire commune dont la portée internationale a permis à ces graphistes : les M/M, H5, La Shampouineuse, Geneviève Gauckler, Alex Gourtès, Agnès Dahan de s’imposer et de s’ouvrir à d’autres champs d’application.

Cette synergie entre musique et graphisme s’explique par la nature même de la musique électronique et par l’attitude partagée de ces artistes qui rejettent en bloc le star system et les codes marketing qui l’accompagnent. Au début des années 1990, les labels indépendants se mettent en place à l’insu des majors, tandis que les ateliers de graphistes voient le jour à l’ombre des agences de publicité.

Ces nouveaux labels se tournent vers les modèles anglais et américains en s’inspirant de collaborations qui existent déjà : comme le label Warp et le studio de graphisme Les Designers Republic ou entre le label mo’Wax et le graffeur Futura2000.

Graphistes, labels et musiciens nouent des liens forts : H5 avec les labels Solid ou Pamplemousse, Restez Vivants ! avec le label Artefact puis avec Yellow Production, Tom Kan avec le label Pro-Zak Trax, M/M avec le groupe The Micronauts, Serge Nicolas avec Benjamin Diamond, Sylvia Tournerie avec Bosco, Alex Courtès avec Cassius.

Ces jeunes graphistes, qui au début des années 1990 n’ont pas encore d’écriture marquée, ne se revendiquent pas d’un mouvement ou d’une idéologie commune. Ce qui les réunit est leur âge, leur cursus, leur intérêt pour la musique électronique et les références graphiques anglo-saxones. Ils rejettent l’idée d’un graphisme exclusivement culturel ou engagé qui leur a été enseigné, tournant le dos aux grands courants suisse et polonais ou au graphisme social et politique incarné par Grapus.

L’absence de cadre que leur offre l’univers de la musique les séduit. Producteurs et musiciens veulent accompagner leurs créations d’un univers visuel original avec comme principe premier l’absence de représentation des artistes. Dès lors, la pochette de disque et les flyers deviennent les pages blanches de leurs expérimentations. Chacun élabore son univers graphique : Michel Poulain, alias La Shampouineuse , réalise des flyers inspirés des années 1970, tandis que les images technoïdes de Geneviève Gauckler côtoient les pochettes dessinées des M/M ou de Seb Jarnot. Alexandre Courtès revisite les comics et Agnès Dahan l’image de mode.

Dans cette hétérogénéité on peut pourtant distinguer deux approches, l’une graphique, l’autre photographique, qui participent d’un même questionnement de l’esthétisme convenu.

Les graphistes français s’intéressent au courant post-moderniste anglais et américain. Ils sont marqués par le refus du formalisme figé du style international et la revendication d’un éclectisme puisant ses références dans la société de consommation :
 La pochette Superdiscount (1997), qui marque les débuts d’une longue collaboration de H5 avec le label Solid fondé par Alex Gopher, Etienne de Crécy et Pierre Michel Levallois, fait directement référence aux codes de la communication de la grande distribution en évoquant les affichettes annonçant les soldes. Dans cet album-concept, les titres des morceaux relèvent de la même thématique (Tout doit disparaître, Prix Choc). Ces références au consumérisme, et plus directement aux publicités des années 1970, marquent également les pochettes du label Pamplemousse de 1997 à 2001. Ce détournement de la culture populaire, empreint d’humour, participe de la culture du mix pour les uns, de celle du copié-collé pour les autres, générées par l’outil informatique commun aux graphistes et aux musiciens de cette génération. Les musiciens s’amusent à sampler des tubes de la musique funk et disco américaine des années 1970, les graphistes les codes vernaculaires.
 Les flyers pour les soirées aux Folies Pigalle et les pochettes de disques de Michel Poulain pour Bob Sinclar jouent sur le même registre.
 Geneviève Gauckler et Loïc Prigent conçoivent le fanzine Idéal VPC, sous la forme d’un magazine de vente par correspondance.
 Le label Pro-Zak Trax à travers Tom Kan, choisit de centrer son identité visuelle sur le logo retravaillé d’une entreprise pharmaceutique américaine des années 1950, choisi comme motif.

La photographie, utilisée par les graphistes, remet elle aussi en question la notion d’esthétisme. Elle s’inscrit dans le sillage du courant américain de « l’antiphotographie » des années 1960-1970, privilégiant l’aspect documentaire des sujets :
 Vincent Bergerat, directeur artistique des soirées Respect, confie l’identité visuelle de ses flyers à la photographe Agnès Dahan qui pendant plus de trois ans, immortalise chaque semaine les clubbers du Queen, à la façon d’un journal intime.
 Tandis que le collectif M&M’s (Moche et Merveille) créé par Olivier Degorce et Alexandre Moggi, photographie à la volée la plupart des DJ’s français et internationaux, venus mixer à Paris. À partir de 1993, ils s’intéressent à leur environnement direct le plus banal, le plus insignifiant, constituant une véritable base de données du presque rien. Leurs travaux sont régulièrement publiés dans les magazines (Coda, Self Service, Crash) pour illustrer des articles consacrés à la scène électronique.
 Pour des raisons financières mais aussi motivée par une démarche artistique, la graphiste Sylvia Tournerie choisit de son côté d’utiliser, pour les albums de Bosco (Paramour, À poil & poli et New Pax) des photographies anonymes récupérées dans de vieux magazines.
 Sensibles au thème de l’accident graphique ou photographique, le duo de graphistes Restez Vivants ! prend le parti d’utiliser des clichés de vacances techniquement ratés comme en témoigne le singe albinos surexposé pour la pochette de l’album de More, Baronsamedi.
 Dans le même esprit, Serge Nicolas utilise des visuels de récupération trouvés sur Internet ou photographie de gros plans du corps féminin pour concevoir les flyers des soirées « Paradise Massage » qu’il organise au Pulpe puis au Rex Club de 1999 à 2004.

Cette production est extrêmement prolifique et se propage au gré des concerts et manifestations. Elle s’accompagne de nombreuses vidéos. Graphistes et réalisateurs tels que H5, Alex et Martin, Michel Gondry ou Spike Jonze réalisent les clips de ces différents labels. Leur qualité visuelle a de toute évidence participé au succès de la French Touch.

Grâce à la musique le graphisme français s’exporte pour la première fois à l’étranger. Il intéresse l’univers de la mode, de la publicité, de l’art contemporain et sort enfin du champ limité des institutions culturelles… Une nouvelle génération est née.

Source : www.lesartsdecoratifs.fr

H5, Super Discount, 1996, label Solid, vinyle © DR

Publié par Benoît Montigné

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